Pierre-Etienne SEVEDAVY
39 ANS
Un roman publié : Comment se quitte-t-on ce soir ?
Vanessa et moi, c’est une grande histoire d’amour.
Nous avons tant de choses en commun parmi toutes les valeurs essentielles de l’existence qui cimentent les âmes : les sapins de Noël en plastique, les cacahuètes grillées à sec, le fan Club des Sumos végétariens, la Nouvelle Star… la liste est longue et formerait une litanie enivrante pour qui voudrait égrener le chapelet secret des amours éternels.
Aussi lorsqu’elle me demanda de participer à ses mots d’auteur, je trouvai cela bien naturel, bien que tardif, et ne sus tout d’abord qui accuser de mon ineffable charme ou de mon talent planétaire pour expliquer une envie si gourmande. Faut expliquer ton parcours d’auteur, qu’elle me dit. Bien.
Je suis auteur, donc. Et je vous assure que c’est bien difficile à assumer. Si si.
Ma démarche vis-à-vis de l’écriture serait celle d’un jeune homme qui irait seul au cinéma porno un soir. Pour le plaisir, dans le noir, vaguement honteux, avec l’espoir d’y être reconnu un peu et critiqué beaucoup, en se demandant si c’est une bonne idée. Cette expérience solitaire est souvent une aventure frustrante.
En ce qui me concerne, j’ai trouvé un jour au coin d’un bois, un bout de sujet qui dépassait. J’ai tiré dessus, tiré dessus, et tiré encore. J’ai réussi à démêler tant bien que mal la première pelote qui était à mes pieds, et ce premier roman est sorti. Une histoire, quelques émotions, il fallait trouver ensuite les mots justes pour rendre cela présentable. Quand on me demande de quoi cela parle, je réponds invariablement : « ça ne raconte rien. Ça raconte la journée d’un type ordinaire qui doit rentrer chez lui un soir et enterrer son petit chat. »
Je sais que c’est imparfait, le travail sonne continuellement à ma porte. Les thèmes légèrement développés dans ce premier volet font appel aux regrets, à la mélancolie, aux choix que l’on croit justes mais qui déconstruisent un homme plus qu’il n’y paraît. Pour naviguer dans ces allers-retours, j’ai tenté de rompre ave la continuité de la narration.
Et comme un musicien qui se plairait à distordre sous la torture tous les accords qu’il aime, ces thèmes seront poussés jusqu’au paroxysme et à l’horreur dans les 2 autres volets qui devraient suivre.
J’ai eu envie d’écrire une histoire que j’aurais aimé lire. Les romans historiques m’ennuient, les histoires d’amour me navrent, la science fiction me fait rire, les récits de voyage me laissent à quai. Mais la poésie m’enivre, et mes livres de chevet se situent chez Bruce Lowery, Hubert Selby Jr, Roger Martin du Gard, Tom Wolfe, et Ian Mc Ewan parfois. Mais je lis peu. Lire m’épuise.
Ecrire est beaucoup moins fatiguant, parce que beaucoup plus exigeant. J’ai toujours abordé l’écriture comme un plaisir et un passe-temps, comme d’autres feraient des maquettes de bateaux minutieusement le week-end.
Ma hantise est de ne pas réussir à transmettre l’histoire ou l’émotion d’une histoire. Je suis obsédé par le rythme des phrases. Je dois toujours chercher davantage de simplicité et d’épurement, car je sais que l’un de mes défauts est de sacrifier trop souvent la concision sur l’autel de l’image surenchérie ou de la figure de style.
L’autre jour à la radio, une journaliste littéraire pérorait sur un livre dont j’ai oublié le nom. Comme elle ne savait finalement pas trop qu’en dire mais qu’il fallait faire montre d’intellectualisme, elle eut cette phrase péremptoire : C’est formidable, c’est écrit dans l’urgence !
Cette imbécile venait de donner la définition contraire de l’écriture telle que je la considère : rien n’est écrit dans l’urgence. Ce qui semble spontané naît du travail. Ce qui paraît brouillon et hâtif prend sa force dans une construction très précise. Pour le talent, c’est autre chose. Qui peut se targuer d’en avoir ?
Il faut faire les choses sérieusement sans trop se prendre au sérieux.